Face au manque de diagnostic, le recours à l’autodiagnostic
- Apolline Benoit-Gonin

- 6 mars
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mars
Fibromyalgie, syndrome d’Ehlers-Danlos, Ménière et bien d’autres, sont des maladies invisibles. Pour les diagnostiquer, ça relève du parcours du combattant. Entre les déserts médicaux et le scepticisme de certains praticiens, des patients préfèrent se tourner vers de la documentation. Voilà comment ils débutent le processus d’autodiagnostic.

Après plusieurs années à se battre pour dépasser un stress post-traumatique, Mélodie se sent beaucoup mieux mentalement. Mais en 2023, elle n’observe toujours aucune amélioration sur le plan physique. Elle se confie à sa thérapeute qui lui confirme que quelque chose cloche. En l’absence de diagnostic clair, la jeune femme de 35 ans entreprend des recherches dans son coin. « À l’époque j’avais tout le temps mal, je ne savais pas pourquoi. Il n’y avait pas de solution, on ne me disait rien », exprime-t-elle, une forme d’incompréhension sur le visage.
Pour la jeune femme, le plus urgent est de comprendre d’où viennent ces douleurs. Mélodie a deux enfants en bas âge et un métier qui lui demande de faire bonne figure. Alors elle est toujours apprêtée et ne laisse rien paraître. Mais elle ne peut pas se permettre de laisser traîner ces douleurs. Alors plutôt que se laisser abattre, elle se renseigne et fouille tous les recoins d'internet à la recherche d’indices. Puis un nom revient régulièrement : « fibromyalgie ».
Elle se rend chez son médecin traitant, lui cite point par point ses symptômes et le laisse saisir la perche qu’elle lui tend vers la fibromyalgie. Malgré les mots du praticien, qui vont dans son sens, Mélodie ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter. « Est-ce que je ne serais pas en train d’orienter les recherches vers la mauvaise direction ? » Entre le manque de professionnels spécialisés dans le secteur et le scepticisme des praticiens de santé, elle peine à se diriger vers les bons services. Avec une prescription du médecin, elle visite une jeune rhumatologue à Nancy. « Mais j’ai dû trouver un rhumatologue qui croit en cette maladie », précise-t-elle, une pointe de frustration dans la voix. La praticienne examine la jeune femme et confirme la fibromyalgie. En trois mois seulement, Mélodie est diagnostiquée.
Grâce à ses recherches, Mélodie a donc réussi à accélérer son diagnostic. Habituellement, une personne atteinte de fibromyalgie erre pendant plusieurs années, alors que 1,6 % des adultes français sont touchés par cette pathologie. C’est le cas de Ludivine et d’Anne, qui ont respectivement attendu 7 et 12 ans avant d’obtenir un diagnostic. « Je sais qu’une personne que je connais a mis 5 ou 6 ans avant d’être diagnostiquée », admet Mélodie, comprenant sa chance.
Mais si, dans son cas, l’autodiagnostic a permis d’aller plus vite, pour le docteur Liova Yon, psychiatre au Groupe hospitalo-universitaire de Paris Neurosciences, « L’autodiagnostic présente ainsi un certain nombre d’écueils. D’abord, le risque de banaliser la pathologie mentale, et donc d’accuser un retard supplémentaire dans le diagnostic. » Dans le même temps, 30 % des Français s’accordent pour dire que ces recherches en solitaire ne les rassurent que rarement, voire les rendent anxieux.



Commentaires