“Invisibilité” n’est pas synonyme de “rareté”
- Apolline Benoit-Gonin

- 3 mars
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Dernière mise à jour : 17 mars
Les maladies invisibles sont souvent perçues comme des pathologies rares par définition. Pourtant, certaines d’entre elles, connues du grand public, comptent un nombre conséquent de patients. Le manque de communication à leur sujet peut être à l’origine de cette mauvaise perception.

Les maladies invisibles sont-elles nécessairement rares ? La réponse est claire : non. Mais il est important de se poser la question en ayant les définitions en tête. Une maladie rare est définie par sa prévalence dans une population donnée. On qualifie de « rare » une maladie qui touche moins d’une personne sur 2000. En France, 90 % de la population a déjà entendu parler de maladies rares, selon un sondage effectué par la Fondation Groupama. Mais d’après ce même sondage, 40 % des Français sous-estiment le nombre de personnes concernées : « les maladies rares touchent moins de 50 000 personnes en France, alors qu’elles en touchent 3 000 000. Ce pourcentage est toutefois en baisse par rapport à 2022 (49 %). »
Une maladie est qualifiée d’« invisible » parce qu’elle ne se voit pas à l’œil nu. Les maladies invisibles englobent plusieurs types de pathologies : chroniques, mentales et/ou auto-immunes. Le panel de maladies est donc assez large. On y retrouve la dépression, qui touche 5 % de la population mondiale, selon l’Organisation mondiale de la santé ; l’endométriose, qui touche environ 10 % des Françaises en âge de procréer, selon un rapport de sante.gouv.fr ; ou encore le diabète de type 2, qui touche entre 8 et 10 % des adultes, comme l’indique France Assos Santé. Mais ces maladies, on les connaît, on en entend parler. Qu’en est-il des pathologies dont on n’entend pas parler ? Quand on ne voit pas quelque chose, il est plus difficile de se rendre compte de sa fréquence, surtout lorsqu’on n’en parle pas.
D’où vient cette idée préconçue ?
Une problématique qui ressort de ce questionnement est la relation de confiance que l’on a envers les chiffres partagés par les fichiers nationaux. Pour l’ancien ORL Bernard Montinet, il faut prendre des pincettes avec les chiffres : « Parmi tous les patients que j’ai eus, certains avaient la maladie de Ménière, mais je ne les ai pas tous déclarés. » Il continue en expliquant que les chiffres donnés sont souvent sous-estimés à cause de cela. La décision de ne pas déclarer une personne peut découler du code de déontologie médicale, qui impose de respecter la volonté d’un patient à partager ou non certaines informations.
Selon Anne, atteinte de fibromyalgie depuis son adolescence, le problème vient du manque de représentation. « Quand on s’imagine des personnages fictifs souffrant de handicaps invisibles dans les jeux vidéo ou les films, on voit des personnes malentendantes, malvoyantes, en fauteuil roulant ou atteintes de trisomie 21. Éventuellement, on peut aussi penser à des personnes atteintes de troubles psychiques comme la schizophrénie ou le dédoublement de la personnalité. » Elle explique également que, lorsqu’il y a de la représentation, elle est souvent remplie de clichés ou déséquilibrée. « Si un personnage est autiste, par exemple, soit c’est un génie, soit c’est une personne complètement recroquevillée sur elle-même. Le spectre autistique est pourtant tellement plus large. »
Roméo Diana, doctorant en biologie à l’Université de Lorraine, rejoint l’idée qu’on n’en entend pas assez parler. « Je serais assez enclin à dire que peu importe le type de recherche qu'on fait, il faut communiquer dessus. Il ne faut pas garder ça enfermé dans les murs d'un laboratoire, enfermé dans les murs d'un bureau. » Il souligne que communiquer sur les recherches en cours pourrait également rassurer les patients, qui souhaiteraient voir des avancées sur les maladies qui les touchent. « On aurait tout à gagner à ce que tout le monde parle de son travail, de ce qu'il a découvert et de ce qu'il aimerait bien découvrir », ajoute-t-il.



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